Mes chers amis, J'ai une tres mauvaise nouvelle a vous annoncer: Monsieur Taira est decede ce matin a l'Hopital Bichat a Paris. Je suis tres choquee et tres triste car meme si je savais qu'il a ete encore hopitalise, on m'a pourtant rassure que sa vie n'a pas ete menacee. Je m'attendais donc pas du tout ce resultat. Desolee de vous annoncer cette mauvaise nouvelle. Veuillez annoncer cette nouvelle a ses anciens eleves si vous connaissez quelques uns, s'il vous plait. Parce que je ne les connais pas tous. Il est vraiment dommage pour moi car j'esperais qu'il pourrait un jour lire ma there sur lui. Amicalement,
Yoshihisa Taira, compositeur japonais LE MONDE | 15.03.05 Un maître de l'orchestration.
Yoshihisa Taira, compositeur, s'est éteint dimanche 13 mars à l'hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris. Les conséquences d'une longue maladie qui l'avait frappé en 2002 ont eu raison de lui, malgré son combat courageux.
Né en 1937 à Tokyo, Yoshihisa Taira a suivi ses études musicales dans sa ville natale, le piano tout d'abord, puis l'écriture et la composition.
Disciple et grand admirateur de Toru Takemitsu de sept ans son aîné, il en suit les conseils et vit assez étroitement dans son sillage. Il sera pendant plusieurs années son traducteur en France ; ses liens amicaux ne se démentiront jamais.
La découverte de la musique française à la charnière des XIXe et XXe siècles, et particulièrement celle de Claude Debussy, déclencha un tournant décisif dans sa carrière. A partir de ce moment, il n'eut de cesse de venir étudier en France. Ce désir fut rapidement renforcé par sa rencontre avec les musiques d'Olivier Messiaen et d'André Jolivet.
Le pas fut franchi au milieu de l'année 1966 où il entreprit, par air tout d'abord jusqu'à Moscou, puis par bus et train jusqu'à Paris, un long voyage de trois semaines qui lui fit découvrir l'Europe orientale et occidentale. En août 1966, il suivit les cours d'été de l'Académie de Nice comme étudiant en direction dans la classe de Louis Forestier.
C'est là que je l'ai rencontré pour la première fois. Un mois plus tard, Taira devint élève de composition au CNSM de Paris dans la classe d'André Jolivet qui détecta immédiatement en son nouvel élève un talent exceptionnel.
La vie en France ne fut pas facile pour le jeune Taira. Confronté à une culture si différente, parfois même antipodique à la sienne, il prendra progressivement conscience de ses racines profondes. Paradoxalement, c'est à Paris qu'il réalisa la place essentielle et refoulée jusqu'alors de l'art japonais traditionnel.
Sa musique en témoigne : très imitatrice de l'art européen et des dictats de l'école de Darmstadt des années 1960, c'est en 1969 et 1970 que résolument, elle devient moins décorative, plus méditative dans l'esprit et dans la technique ; une merveilleuse synthèse Orient-Occident, inspirée en cela encore une fois par Toru Takemitsu mais aussi par Yaritsune Matsudaira.
C'est aussi de 1969 que datent les premières œuvres pour flûte de Taira. Hierophonie IV tout d'abord, puis Maya pour lesquelles André Jolivet m'avait dit toute son admiration. Comme son maître, Taira était en effet un grand humaniste, et comme lui également la quête spirituelle était le moteur de sa création.
J'eus le grand honneur de travailler tout au long de sa vie avec lui et de créer toutes ses œuvres pour flûte au nombre d'une trentaine.
Certes, Taira s'est rapidement affirmé comme un grand maître de l'orchestration mais si son répertoire très vaste s'adresse à tous les instruments, à toutes les formations possibles, du solo à l'orchestre symphonique en passant par la musique de chambre et l'orchestre de chambre, c'est toutefois avec la flûte traversière que Taira entretient la relation la plus remarquable.
Il ne faut pas voir là le simple hasard de notre rencontre et des liens profonds d'amitié qui nous lièrent pendant presque quarante ans. Plus profondément, cet instrument frêle mis en œuvre par le souffle humain était peut-être à son insu le meilleur vecteur de son chant intérieur, de cette "prière qui le faisait être".
Ainsi sa carrière pratiquement commença (Hierophonie III) et finit (Ambre pour deux flûtes) avec le souffle de la flûte traversière.
Pierre-Yves Artaud • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.03.05