Maurice Blanchot,L'ecriture du desastre

このエントリーをはてなブックマークに追加
 JE ME SOUVIENS d’un jeune homme ―― un homme encore jeune ―― empêché
de mourir par la mort même ―― et peut-être l’erreur de l’injustice.
 Les Alliés avaient réussi à prendre pied sur le sol français. Les Allemands,
déjà vaincus, luttaient en vain azec une inutile férocité.
 Dans une grande maison ( le Château, disait-on ), on frappa à la porte plutôt
timidement. Je sais que le jeune homme vint ouvrir à des hôtes qui sans doute demandaient secours.
 Cette fois, hurlement : « Tous dehors».
 Un lieutenant Nazi, dans un français houteisement normal, fit sortir d’abord
les personnes les plus âgées, puis deuz jeunes femmes.
 « Dehors, dehors. » Cette fois, il hurlait. Le jeune homme ne cherchait pourtant
pas à fuir, mais avançait lentement, d’une manière presque sacerdotale.
Le lieutenant le secoua, lui montra des douilles, des balles,
il y avait eu manifestement combat, le sol était un sol guerrier.
6832 (=邦訳20):04/12/10 13:34:05
 Le lieutenant s’etrangla dans un langage bizarre, et mettant sous le nez
de l’homme déjà moins jeune ( on vieillit vite ) les douilles, les balles,
une grenade, cria distinctement : « Voilà à quoi vous êtes parvenu ».
 Le nazi mit en rang ses hommes pour atteindre, selon les règles,
la cible humaine. Le jeune homme dit : « Faites au moins rentrer ma famille ».
Soit : la tante ( 94 ans ), sa mère plus jeune, sa s?ur et sa belle-sour,
comme si tout était déjà accompli.
6843 (=邦訳21):04/12/10 13:36:25
 Je sais ―― le sais-je ―― que celui que visaient déjà les Allemands,
n’attendant plus que l’ordre final, éprouva alors un sentiment
de légèreté extraordinaire, une sorte de béatitude ( rien d’heureux cependant ),
―― allégresse souveraine ? La rencontre de la mort et de la mort ?
 A sa place, je ne chercherai pas à analiser ce sentiment de légèreté.
Il était peut-être tout à coup invincible. Mort ―― immortel.
Peut-étre l’extase. Plutôt le sentiment de compassion pour l’humanité souffrante,
le bonheur de nêtre pas immortel ni éternel. Désormais, il fit lié à la mort, par une amitié subreptice.
6854 (=邦訳22):04/12/10 13:37:59
 A cet instant, brusque retour au monde, éclata le bruit considérable d’une proche bataille.
Les camarades du maquis voulaitent porter secours à celui qu’ils savaient en danger.
Le lieutenant s’eloiga pour se rendre compte. Les Allemands restaient en ordre,
prêts à demeurer ainsi dans une immobilité qui arrêtait le temps.
 Mais voici que l’un d’eux s’approcha et dit d’une voix ferme: « Nous, pas allemands, russes »,
et, dans une sorte de rire : « armée Vlassov », et il lui fit signe de disparaître.
6865 (=邦訳23):04/12/10 13:39:44
 Je crois qu’il s’eloigna, toujours dans le sntiment de légrèreté, au point
qu’il se retrouva dans un bois éloigné, nommé « Bois des bruyères »,
où il demeura abrité par les arbres qu’il connaissait bien.
C’est dans le bois épais que tout à coup, et aprèscombien de temps,
il retrouva le sens u réel. Partout, des incendies, une suite de feu continu,
toutes les fermes brûlaient. Un peu plus tard, il apprit que trois jeune gens,
fils de fermiers, bien étrangers à tout combat, et qui n’avaient
pour tort que leur jeunesse, avaient été abattus.
6876 (=邦訳24):04/12/10 13:43:44
 Même les chevaux gonflés, sur la route, dans les champs, attestaient une guerre qui avait duré.
En réalité, combien de temps s’etait-il écoulé ? Quand le lieutinant était revenu
et qu’il s’etait compte de la disparition du jeune châtelain, pourquoi la colère, la rage,
ne l’avaitent-elles pas poussé à brûler le Château ( immobile et majestueux ) ?
C’est que c’etait le Château. Sur la façade était inscrite, comme un souvenir indestructible,
la date de 1807. Était-il assez cultivé pour savoir que c’etait l’année fameuse de Iéna,
lorsque Napoléon, sur son petit cheval gris, passait sous les fênetre de Hegel
qui reconnut en lui « l’âme du monde », ainsi qu’il l’écrivit à un ami ?
Mensonge et vérité, car, comme Hegel l’ecrivit à un autre ami,
les Français pillèrent et saccagèrent sa demeure.
Mais Hegel savait distinger l’empirique et l’essentiel.
En cette année 1944, le lieutenant nazi eut pour le Château le respect
ou la considération que les fermes ne suscitaient pas. Pourtant on fouilla partout.
On prit quelque argent; dans une pièce séparée, « la chambre haute »,
le lieutenant trouva des papiers et une sorte d’épais manuscrit
―― qui contenait peut-être des plans de guerre. Enfin il partit.
Les Seigneurs avaient été épargnés.
6887 (=邦訳25):04/12/11 09:15:44
 Alours commença sans doute pour le jeune homme le tourment de l’injustice.
Plus d’extrase: le sentiment qu’il n’était vivant que parce que,
même aux yeux des Russes, il appartenait à une classe noble.
 C’était cela, la guerre : la vie pour les uns, pour les autres, la cruauté de l’assassinat.
6898 (=邦訳26):04/12/11 09:18:36
 Demeurait cependant, au moment où la fusillade n’était plus qu’en attente,
le sentiment de légèreté que je ne saurais traduire: libéré de la vie ?
l’infini qui s’ouvre ? Ni bonheur, ni malhuer.
Ni l’absence de crainte et peut-être déjà le pas au-delà.
Je sais, j’imagine que ce sentiment inanalysable changea ce qui lui restait d’existence.
Comme si la mort hors de lui ne pouvait désormais que se heurter à la mort en lui.
« Je suis vivant. Non, tu es mort.»
Plus tard, revenu à Paris, il recontra Malraux. Celui-ci lui raconta qu’il avait été fait prisonniers
( sans étre reconnu ), qu’il avait réussi à s’echapper, tout en perdant un manuscrit
« Ce n’étaitent que des réflexions sur l’art, faciles à reconstiuer, tandis qu’un manuscrit ne saurait lêtre. »
Avec Paulhan, il fit faire des recherches qui ne pouvaient que rester vaines.
69110 (=邦訳28):04/12/11 09:22:08
 Qu’importe. Seul demeure le sentiment de légèreté qui est la mort même ou,
pour le dire plus précisément, l’instant de ma mort désormais toujours en instance.